EMILY

Publié le par christiane loubier

Emily voit le ciel tourné sur lui-même
comme un couvercle de pot de confitures aux bleuets.
Le bleu coule le long de ses bras et sur sa poitrine,
jusque dans la petite boîte de son cœur
Plus tard, elle écrira des poèmes qu'elle cachera
entre les pages des jours comme des feuilles d'automne.

Elle ne va jamais au village mais elle porte la Terre
comme une robe de soirée.
Elle sait tout et tout la sait.

Patrice Desbiens

Source : http://lafreniere.over-blog.net/

QU'A DIT LE FEU QU'ELLE A DIT L'EAU

Publié le par christiane loubier

J´enfume, j´aboie, je crépite
Je change en colliers les pépites
Je rends tous les astres envieux
Qu´a dit le feu

Je caresse, je noie, je lèche
Je m´éponge, me bois, me pêche
Je porte le ciel sur mon dos
Qu´elle a dit l´eau

Je brûle la peau des forêts
M´est arrivé de dévorer
Le grain d´un épi de cheveux
Qu´a dit le feu

J´ai dessiné un million d´îles
J´ai ressuscité des fossiles
J´ai inventé les caniveaux
Qu´elle a dit l´eau

J´effraie, je brûle, j´incandescente
D´une ville, je fais des cendres
En lui adressant mes bons vœux
Qu´a dit le feu

Rien qu´une goutte sur tes bûches
Un petit crachat de ma cruche
Un pleur et je te fais la peau
Qu´elle a dit l´eau

On crie mon nom au pas de tir
J´ai conduit des gens au martyr
En arrachant leur moindre aveu
Qu´a dit le feu

J´irrigue, je fais plus mon âge
Je rudoie parfois les barrages
J´écris des chansons pour Léo
Qu´elle a dit l´eau

Je suis rouge, je sens le pain
J´ai mis cent étoiles au tapin
En fait, je fais ce que je veux
Qu´a dit le feu

J´illumine les aquarelles
J´ai inventé les arcs-en-ciel
Et le pompon des matelots
Qu´elle a dit l´eau

Tu brilles pas par tes arguments
Mais pardonne-moi si je mens
Quand je suis feu doux, je suis bleu
Qu´a dit le feu

Je ne suis pas une lumière
Et moi qu´on appelle la mer
Je suis que l´écho d´un ruisseau
Qu´elle a dit l´eau

Le soleil est tombé en larmes
Quand l´eau y a déclaré sa flamme
C´est la première fois que je pleus
Qu´a dit le feu

Cent fleuves ont replié leurs bras
Sous les pluies mouillées de leurs draps
La nature a bien du culot
Qu´elle a dit l´eau
 

Allain Leprest

AUX BRANCHES DE LA MORT

Publié le par christiane loubier

                         à Miche et Jean Tordeur
 
Mes amis, mes amours, la salle est si petite
Que nos coeurs suffiraient, ensemble, à la chauffer
Mais vive les flambeaux, l’âtre qui danse vite
Et tous ces chaleureux, les cuivres, les marmites,
Les épices, le rhum, le tabac, le café.
 
Dehors le plus grand gel de tout l’hiver s’orchestre.
Les fins archets de l’est et du septentrion
Célèbrent dans l’aigu la nuit de Saint-Sylvestre
Et la sévère terre à l’heure où nous rions
Tient plus fort que jamais les défunts sous séquestre.
 
Riez donc, chers vivants, brillez beaux hommes jeunes,
Femmes encore en fleur dans votre âge fruitier,
Partagez ardemment l’orange et l’amitié,
Un soir tout l’avenir sera que vous partiez
Observer sans retour le silence et le jeûne.
 
Vous ai-je bien traités ? Dans les sauces profondes
Qui doivent leurs saveurs aux quatre coins du monde,
Le grand vin susceptible et dévotement bu,
Dans le rôti concis, le gâteau qui redonde,
Avez-vous savouré l’esprit de ma tribu ?
 
Ah ! Chers civilisés, chères civilisées,
Procédons sous le gui à nos rites fervents
Tandis que sans raison, sans passion le vent
Vitriole de givre et de poussière usée
Les saintes des parvis, les maisons, les musées.
 
Qu’un vif brouillon de voix mélange nos passés,
Nos songes, nos démons, nos dieux, nos trépassés,
Le Brabant, l’Aquitaine et ma ville effrénée
Qui fait rieusement ses adieux à l’année
Entre Chartres muette et Versailles glacé.
 
Toi, croyant, qui nous vois flanqués d’anges en armes,
Vous que Goethe ou Stendhal mieux que la Bible charme,
Heurtez vos Gabriel, vos Faust et vos Sorel
Et bien enchevêtrés dans un riche vacarme
Brassons l’intemporel avec le temporel.
 
A tort et à travers, à bouche que veux-tu
Discutez, disputez, bien subtils et bien fauves,
Que sous le proclamé rayonne tout le tu
Et que dans vos regards, beaux couples bien vêtus,
Luisent furtivement vos beaux secrets d’alcôve,
 
Tandis que sans raison, sans plaisir, sans remords
La bise de toujours lamine les royaumes,
Malmène les oiseaux, les ramures, les dômes
Et ce chaud réveillon haut perché qui embaume,
Petite orange en fête aux branches de la mort.
 
 
 
Lucienne Desnoues
Les Ors - Ed. Seghers, 1966.
Poème mis en musique et chanté par Hélène Martin, sous le titre Mes amis, mes amours.
À écouter ici :
 
 

RETOUR

Publié le par christiane loubier

On ne dit pas le retour de l'enfant
Ni si Noël neigeait sur la soirée,
S'il lui sembla vers l'église éclairée,
Entendre un chant doucement triomphant,
[...]
On ne dit pas le retour de l'enfant;
Mais entends doucement quand tu y penses,
Dans ton enfance au ciel et le silence,
Comme un chant d'orgue doucement triomphant.
 
 
 
Marcel Thiry
Tous les grands ports ont des jardins zoologiques [Anthologie]

IL EST DES PAYS TERRIBLES...

Publié le par christiane loubier

Il est des pays terribles
où les gens qui vont au marché
ont sur leur visage, imprimée,
une cible.
 
 
 
Jean Orizet
Hommes continuels

Article publié depuis Overblog

Publié le par christiane loubier

L'oeuvre n'est pas une série de réponses,
Elle est une série de questions, elle n'est
pas des explications, elle est des demandes
d'éclaircissements [...]
 
 
 
Eugène Ionesco
Découvertes
Les sentiers de la création (Albert Skira Éditeur)

 

  

 

 
  

 

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